la vie de memphis

Conversation avec mon pied 1

La super gentille chirurgienne me l’a dit, c’est toi maintenant mon interlocuteur. C’est toi qui va me montrer ta satisfaction ou ta colère. J’ai été sage, je suis restée immobile, toi surélevé, tu dégonfles et je peux faire quelques pas. Sinon tu me punis : « regagne ton cocon sarcophage et surélève moi encore » Alors ce matin mon petit doigt ( de pied) m’a dit : «  Pour l’instant ça va. Regarde moi, j’ai bien diminué de volume pendant la nuit. Je t’autorise quelques allers et venues. Ah non! Ne te précipite pas debout, j’ai dit quelques pas. Sinon je vais me venger et enfler comme une baudruche ! De la mesure mon enfant, de la mesure… » Je vais suivre ses conseils, qu’en pensez-vous ?

Memphis reprend son justaucorps. Bonjour les yeux !

Mon corps, je le respecte comme un vieil ami, pas mal usé, cabossé plein de cicatrice. Il a été mon outil de travail - j’entends déjà vos murmures « Quoi, Memphis péripatéticienne du côté de la rue St Denis? ». D’abord il n’y a pas de sot métier ni de honte à l’exercer. Ensuite vous êtes à côté de la plaque : j’étais prof D’EPS et j’ai donné pas mal de cours d’adultes à l’IGR, l’INSERM ou le CNRS, l’école d’infirmières de Charles Foix à Ivry ou le personnel de la résidence du Moulin à Cachan. Et j’ai adoré ça. Alors aujourd’hui je reprends mon justaucorps et je vous propose un petit exercice pour vous faire du bien en mobilisant de grands oubliés : vos yeux. Vous êtes partants ? Alors , prenez un petit objet dans une main et mettez vous devant la fenêtre, debout bien droit ou assis- non, pas avachi ! Regardez bien droit devant vous et immobilisez complètement votre tête. Plus le droit de la bouger ! Écarquillez les yeux, grand, grand le plus grand possible. Et refermez les complètement. Plusieurs fois en variant de rythme. Battez des paupières style Betty Boop. Vous le ferez entre chaque exercice... Tête toujours fixe, bien dans le prolongement du corps, levez les yeux au ciel puis regardez en bas. Lentement, plus vite mais bien à fond. Un petit coup de Betty Boop Maintenant de gauche à droite et de droite à gauche bien horizontalement et à fond. Holà voulez-vous bien me redescendre ces épaules, les relâcher ! Ensuite : mes yeux vont aller en diagonale : gauche en haut , droite en bas. Plusieurs fois avant de passer de droite en haut à gauche en bas. Si on louchait un peu ? Il suffit de regarder la pointe de son nez. Beaucoup plus difficile et minuscule quant au résultat, essayez avec l’œil gauche de regarder le plus à gauche possible pendant que l’œil droit regarda le plus à droite possible. Pas évident... Pour vous détendre roulez des yeux dans un sens puis dans l’autre. Et pour terminer, toujours tête immobile levez le petit objet que vous aviez dans la main à 10 cm, fixez le un instant et tout de suite après regardez à l’horizon. Plusieurs fois ainsi avant ce battre une dernière fois des paupières. Ouf c’est fini. Plus long à expliquer (et à animer...) qu’à réaliser. Ça y est vous pouvez bouger la tête et tout le reste du corps. Vous recommencez demain ? Ce serait ma meilleure récompense en attendant que je vous propose un autre petit exercice ludique mais efficace https://youtu.be/A5LII-N5FJ8

23) De la saucisse au manchon : La vie reprend son cours...

Le lendemain, je fais les courses avant d'aller rechercher mon mari chez ma fille. Et il faut s'habituer : le manchon, à vie. Je m'y fais assez vite. C'est le regard des autres qui me fait m'en souvenir. Il faut faire le plus de choses possible de l'autre main et je ne suis pas gauchère pour deux sous. Et puis le fameux pansement compressif pour la nuit, un soir sur deux. Je le fais très régulièrement, même si parfois j'ai envie de filer au lit. Le résultat est là, ce serait dommage de tout gâcher. De compromettre tout ce travail que vous avez fait pour moi et avec moi, vous, tout le personnel de l'unité de lymphologie. Je ne saurais jamais assez vous en remercier. Grâce à vous j'ai retrouvé le moral et le sourire et je peux vivre normalement. Je pense que la meilleure façon de vous montrer ma gratitude est de suivre vos conseils et de prendre soin de mon bras.Merci à tous, que ce soit le personnel médical, les kinés, les secrétaires, le personnel de cuisine ou celui qui entretenait les chambres, merci mille fois.

• C’était en 2010. Depuis je porte toujours mon manchon. Si j’oublie, rebonjour le hot-dog et le bras lourd comme du plomb. En plus, 2 séances de drainage lymphatique par semaine.Et je vois le Docteur Vigne tous les ans, toujours aussi sympathique et drôle. C’est une partie de plaisir d’aller en consultation.
• Vous qui avez un lymphoedème, un bras énorme, gonflé, lourd des doigts-saucisses, qui ne pouvez plus enfiler une manche de pull ou de robe à moins qu’il ne soit 2 à 3 tailles au-dessus de la vôtre, vous qui avez une jambe éléphantesque et un pied inchaussable, dites-vous qu’il existe des solutions je dirais presque miracle. Elles demandent de la patience, du courage, de la volonté et de la persévérance. Beaucoup… Mais ne baissez pas les bras. Courage, ça en vaut la peine !

22) De la saucisse au manchon : Hep ! Taxi !

J'ai revu le Docteur Vigne, pris possession de mon manchon, dis au-revoir à tout le monde et le taxi que la secrétaire m'a appelé est là. Direction la maison. Je suis chargée comme un baudet et je redoute le moment où il va falloir tout porter jusqu'à l'ascenseur. Mais le chauffeur est adorable, il s'en charge. Et à la sortie, ma voisine de palier me donne un coup de main. Il ne me reste plus qu'à faire la lessive et tout ranger...

21) De la saucisse au manchon : Pourquoi pas filmer ma kiné ?

Le dernier jour est arrivé. Mon Dieu, que ça a passé vite … Une idée ! Pour bien me souvenir de la manière de faire le bandage, si je demandais au gentil stagiaire de filmer Delphine pendant qu'elle me le fait ? Je sais, aujourd’hui c’est courant mais ça l’était beaucoup moins à cette époque.Tout le monde est d'accord et j'avoue que les premiers jours où j'ai été lâchée seule dans la nature, ça m'a beaucoup servi. Maintenant, je le ferais pratiquement les yeux fermés. Mais il n'est jamais aussi impeccable que quand on me le faisait !

20) De la saucisse au manchon : Dur dur, l'auto-bandage

Il faut apprendre à faire nous-même les bandages compressifs. Les kinés et leurs stagiaires nous donnent des cours pour cela. Dur, dur. Patiemment elles nous montrent, nous font essayer, ré-essayer, recommencer encore. Au début, c'est affreusement difficile. Et à la fin difficile tout court. Je m'exerce dans ma chambre. Un affreux paquet qui ne comprime rien du tout. Je déroule. J'enroule les bandes et au travail, je recommence. Surtout s'accrocher, c'est de ça que va dépendre la consolidation des acquis. Et ils sont énormes : - 44%. Je suis ravie. Mon bras est très acceptable. Avec le manchon qu'il va falloir porter toute la journée, j'arriverai à m'habiller presque normalement. Youpee !

19) De la saucisse au manchon : Le cinéma d'à côté

Avec mes voisines de table, nous faisons une cure de cinéma le soir. Nous avons dû voir toutes les nouveautés du ciné d'à côté. Une rangée d'éclopées aux bras bandés ou aux jambes momifiées. Il nous reste les yeux et les oreilles. Et la langue pour les commentaires après.

18) De la saucisse au manchon : Il faut se nourrir aussi...

Et ma foi, la nourriture est très bonne. Et bien présentée ce qui ne gâte rien, au contraire. Les places à table sont imposées pour faciliter le service et j'ai eu la chance de tomber sur une tablée de jeunes. Elles m'appellent d'ailleurs, mais gentiment, "leur petite vieille". Certaines ont un œdème à la jambe qui les gêne pour marcher ou se chausser (le gros problème), mais pas pour manger. Les autres, comme moi, font de leur mieux pour ne pas tout renverser. A moins qu'elles n'aient la chance -contestable- d'être handicapées de leur "mauvaise" main. Finalement nos maladresses n’ont une réelle importance que pour le personnel de service qui nettoie après nos repas. Mais tout le monde est d’une énorme patience et gentillesse. Jamais la moindre remarque pour une carafe cassée ou une assiette renversée.

17) De la saucisse au manchon : Dessin, ordinateur et lecture...

J'ai apporté un ordinateur portable puisque l'établissement nous fournit gratuitement un accès internet. Bon moyen de rester en contact avec mes amis. En plus du téléphone bien sûr. Et puis il y a le dessin: j’ai ici aussi mes carnets et mes feutres aquarellables. Cette série je l’ai faite ici… Des livres, on peut en avoir à la bibliothèque. Et s'il me restait le temps de m'ennuyer, il y aurait encore la télévision.

16) De la saucisse au manchon : Café au jardin.

Le café est très bon à la cafetéria et quand il fait beau, nous nous retrouvons au jardin pour le boire. Un petit jardin magnifiquement entretenu par une gentille jardinière qui nous parle de son métier et des plantes avec amour et passion. Ses roses anciennes sont magnifiques.Il m'arrive également de m'installer pour lire ou dessiner : le beau temps est revenu.