Je t’en prie !. Ce n’est pas parce que je t’ai dit que j’allais mettre les pieds dans le plat qu’il faut regarder avec inquiétude la merveilleuse blanquette à l’ancienne cuisinée par ta grand-mère. Je ne vais pas patauger dedans, ne t’en fais pas. Par contre, je vais dire tout ce que je pense et sans aucun ménagement à ce gamin mal élevé qui se comporte comme un goujat. Il n’en tiendra peut-être aucun compte. Mais quel soulagement pour moi de lui dire en face ce que tout le monde pense tout bas ! Je pense t’avoir parlé suffisamment de pied. Donc, je vais ratisser plus large aujourd’hui.
- Tes chevilles enflent ? Ce n’est pas un œdème. Tu pèches plutôt par orgueil. Sois donc un peu plus modeste.
- C’est toujours le cordonnier le plus mal chaussé. Il fait passer ses besoins et ceux de sa famille après ceux de sa clientèle.
- Un traîne-savate use-t-il davantage ses chaussures que le commun des mortels ? Pas forcément. Par contre sa pauvreté ne lui permet pas d’en porter de neuves ni même en bon état.
- Tu as fait tes devoirs comme une savate ou comme un sabot : sans soin, n’importe comment. Où avais-tu la tête ?
- D’accord, tu venais de te faire gronder et tu étais dans tes petits souliers, pas tout à fait à ton aise, embarrassée même. C’est du passé, il faut réagir.
- Les parents de ta copine sont des pantouflards : ils n’aiment rien tant que rester chez eux. Ils détestent l’imprévu, et même les sorties programmées. Rester chez eux, bien au chaud, devant la télé, voilà leur idéal.
- Ne leur propose surtout d’aller battre la semelle dans une file d’expo ou de cinéma : attendre en claquant des pieds ou en faisant les cent pas. Ils te diront qu’ils sont beaucoup mieux chez eux et que le jeu n’en vaut pas la chandelle.
- A ne pas me quitter d’une semelle, me suivre comme un toutou, tu m’agaces prodigieusement.
- Lâche moi donc les baskets. Un peu d’air et de distance ! Arrête de coller à mes jupes. Ta mère, ta mère ! Tu es assez grande pour savoir t’en passer de temps en temps.
Tu vas me dire, et avec raison, que mon dessin n’illustre pas tout-à-fait l’expression que je te soumets aujourd’hui. Ce serait plutôt “mettre les pieds sur le plat” (ou très exactement “le pavois”, comme les chefs francs autrefois...). Pardonne-moi cette petite entorse.